dimanche 30 juin 2013

Cuisine - Recette de Mousse au Chocolat

Recette de Mousse au Chocolat

Alors que j’œuvrais ces jours dans une cuisine de grande envergure, on me confia cette nouvelle recette. Avec mes remerciements, je la transmets à mon tour… avec quelques photos ! (J’ai encore beaucoup de progrès à faire quant à la qualité de l’image…)

Ingrédients :
-60cl de crème fraîche liquide entière
-trois œufs
-200 à 250g de chocolat
-50 à 100g de beurre
-un peu de sucre en poudre

Monter la crème en chantilly. Je vous conseille d’avoir un batteur électrique ou de gros bras.
Commencer à petite vitesse puis augmenter au fur et à mesure en y versant un peu de sucre. Vous pourrez arrêter une fois que la crème est bien ferme.
Chantilly
La crème doit ressembler à l'image ci-dessus.

Battre les blancs des œufs en neige.
Blancs en Neige
Les blancs doivent ressembler à l'image. Également, ils doivent être fermes et bien se tenir.

Les incorporer délicatement à la crème. Ne pas battre. L’idée est de mélanger en recouvrant de couches de crème.
Blancs en Neige et Crème Fouettée
Comme vous pouvez le voir, le mélange reste aéré et léger, prémices de la mousse.

Faire fondre le chocolat et le beurre en remuant et à feu très doux. Y incorporer les jaunes d’œufs une fois la préparation tiédie.
Faire refroidir au maximum en veillant à pouvoir toujours travailler le chocolat. L’incorporer à la chantilly et aux blancs en neige.

Réserver au réfrigérateur une nuit.

Bon ap’ !

Et que la force soit avec vous !
Obi Wan Food Throwing
 G.
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jeudi 27 juin 2013

Cuisine- Recette de Wok de Petits Légumes

Recette de Wok de petits légumes

Un retour discret avec une petite recette simple qui en ravira beaucoup. Sans plus de fioritures prendre :
-un brocoli
-un oignon
-un chou chinois
-deux petites carottes
-de la sauce soja
-du vinaigre

Découper les carottes en fines lanières. (Les peler, puis les couper en deux, puis les fendre …etc.)

Emincer l’oignon

Découper le chou chinois (on reconnaît un chou chinois à sa couleur jaune et à ses yeux bridés. Non, je plaisante, le chou chinois ressemble à une minuscule salade allongée qui a le goût de… chou !)
chou-chinois <- un chou chinois.

Et enfin, découper aussi le brocoli en petits morceaux.

Faire chauffer de l’huile dans un wok.

Y mettre d’abord les oignons et les carottes.

Une fois que les oignons ont blondi, ajouter le reste des légumes.

Laisser cuire en remuant régulièrement pendant une petite dizaine de minutes.

Ajouter l’équivalent de 3 à 4 cuillères à soupe de vinaigre et 4 cuillères à soupe de sauce soja (faites selon vos goûts).

Laisser cuire encore 5 bonnes minutes. S’il le faut, mouiller un peu d’eau claire.

Voilà ! Très simple et au goût de tous : végétariens, régimistes, …

Bon ap’ !

Et bien évidemment que la force soit avec vous !
Obi Wan Food Throwing
 G.
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dimanche 14 avril 2013

Recette de la Poêlée du Soleil

Amis de la gastronomie, bonjour !

Aujourd’hui, une recette à multiples facettes. A l’heure où je rédige ces lignes, je ne sais pas encore comment je vais présenter ces aspects afin que tout soit clair. Comme dit mon psychiatre, la première étape est de mettre d’accord tous les gens qui habitent dans ma tête.

La question est récurrente, c’est une obsession chez la plupart d’entre nous car la réponse est loin d’être évidente. « Qu’est ce qu’on mange ce soir ? ».

On se gratte la tête devant un navet ou un malheureux poivron vert à terminer. Puis, mue par une force mystérieuse, on s’approche du placard pour s’emparer d’un paquet de pâtes entamé.

Les pâtes… Base de l’alimentation de beaaaaaaaaucoup de personnes sur cette planète (dont nos amis italiens et étudiants et étudiants italiens).

Mais les éternelles et salvatrices pâtes au beurre ou à l’huile peuvent se transformer en un festin miraculeux en s’y prenant bien.

Garfield Pâtes spaghettis

Alors la base est une plâtrée de pâtes. Ensuite, cela exige un petit assortiment d’autres ingrédients. Ma proposition de recette n’est pas unique et en faisant travailler votre imagination, je suis sûr que vous pouvez sans peine trouver votre voie.

Dans l’idée, la plâtrée de pâtes doit être agrémentée de la « poêlée du soleil ». Cette poêlée pourra varier selon vos disponibilités et vos envies. J'en posterai d'autres un peu plus tard !

Bon, trêve de billevesées (Desproges a raison, ce mot est ignoble…).

Ingrédients :

Partie commune :

-Des pâtes (100g par personne)
-Une ou deux gousses d’ail : une pour deux personnes (sauf si vous avez un rencart après, mieux vaut ne pas en mettre dans la recette)
-Un poivron rouge ou jaune
-Un oignon
-Une tomate
-Une courgette
-Sel et Poivre
-Paprika
-Piment : doux pour les petites natures (non, je n’ai pas dit « tapettes ») et fort pour les hommes (ou les femmes de fort tempérament, passant par hasard dans le champ d’un normand !)
-Coriandre
-Huile d’olive
-Fromage rapé

Partie Carni :

-Un petit filet de poulet par personne environ
-Du jus d’orange (frais et avec pulpe, c’est mieux)
-Coriandre
-Paprika
-Jus de citron
-Oignon
-Sel et poivre
-Cumin
-Téquila
-Huile d’olive

Partie Veget’ :

-Un œuf par personne
-Et oui, c’est tout !

Marinade de poulet : (ingrédients de la « Partie Carni »)

Deux observations :
Il faut s’y prendre la veille du repas afin que la marinade imprègne bien la viande.
Bien entendu, comme la marinade met du temps à se faire, ce sera pour une « poêlée du soleil deluxe » et non une poêlée préparée vite fait un soir de disette.
Cette recette s’inspire de la gastronomie de nos amis mexicains.

Découper le poulet en dés, aiguillettes, petits morceaux d’une forme quelconque.

Ciseler l’oignon.

Prendre un sachet de congélation ou un Tupperware® ou un récipient qui ferme d’une contenance équivalente aux ingrédients. Le but ici est d’y mélanger tous les ingrédients afin que toute la viande soit en contact avec la marinade. Si le récipient est adapté, pas besoin de mettre des quantités astronomiques d’ingrédients.

Laissez mariner une nuit au réfrigérateur.
Marinade Mexicaine Poulet

Passer à la poêle.
Marinade Mexicaine Poulet Poelé
Normalement, cela doit être un tantinet plus rouge que sur la photo.

Partie commune : (ingrédients de la « Partie Commune » - surprenant non ?)

Faire bouillir de l’eau pour les pâtes.

Hacher l’ail et l’oignon.

Couper la courgette, le poivron et la tomate en petits dés.

Faire cuire les pâtes.

Pendant ce temps, faire revenir dans de l’huile d'olive la courgette, l’oignon, l’ail et le poivron. Parfumer d’épices (paprika, piment, coriandre, sel et poivre).

Mélanger les pâtes si la cuisson n’est pas synchro.

Ajouter les dés de tomate à la toute fin de la cuisson. L’idée est qu’ils restent froids.

Enfin, saupoudrer de fromage râpé.

Si vous avez opté pour le poulet, ajoutez le poulet. Sinon, brouillez l’œuf et hachez-le avant de l’ajouter à l’ensemble.

Bon ap’ !

Et bien évidemment que la force soit avec vous !
Obi Wan Food Throwing

 G.

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lundi 1 avril 2013

Recette de Ragoût de porc au vin blanc et à la moutarde façon blanquette aux légumes


Camarades sans le sous, saloute !

Pour pallier aux hivers qui perdurent, aux hivers durs et aux hivers tout court, bref … pour pallier aux temps de disette, une recette improvisée bille en tête dont le glorieux titre à rallonge, totalement improbable et probablement en décalage avec la réalité de conventions traditionnelles est « Ragoût de porc au vin blanc et à la moutarde façon blanquette aux légumes ».

Rassurez-vous, le reste de la recette ne sera pas aussi lourd que cette entrée en matière !
Si j’ai mis au point cette recette, c’est pour pallier à la légèreté de mon portefeuille. En effet, dans les ragoûts et autres recettes mijotées, les morceaux de viande les moins beaux (et les moins chers) peuvent être utilisés pour concocter un plat savoureux et copieux.
Alors…

Ingrédients :
-Viande de porc (environ 500g) :
J’ai utilisé de la longe, mais tout autre morceau convient très bien aussi. Par contre, si vous avez les moyens, évitez d’utiliser un filet mignon et allez tout de suite chercher une autre recette.
-Moutarde de Dijon
-Herbes de Provence
-Vin blanc
-Bouillon de poule
-4 à 6 Biscottes
-Farine
-Un poireau
-Une carotte
-Champignons
-Deux oignons
-Beurre
-Sel et poivre
-Sucre en poudre

Couper le porc en dés.


Dans une cocotte en fonte (dans l’idéal), colorer la viande et la réserver.


Dans cette même cocotte et dans du beurre, faire revenir les oignons et les poireaux.

Saupoudrer de farine, bien remuer puis mouiller du bouillon.

Ajouter la viande, la carotte pelée puis coupée en rondelles et les champignons préalablement lavés. Ajouter le vin blanc (de ½ à 1 verre selon vos préférences)

Le liquide doit recouvrir l’ensemble. Si ce n’est pas le cas, ajouter de l’eau.

Tartiner les biscottes de moutarde et les mettre dans la marmite. Ajouter une cuillère à soupe de moutarde.

Saupoudrer de sucre en poudre, d’herbes de Provence puis saler et poivrer.

Laisser mijoter à feu très doux pendant au moins deux heures.

Plus le ragoût mijote, meilleur il sera.

Accompagne le riz à merveille !

Que vos papilles frétillent et que la force soit avec vous !
Obi Wan Food Throwing
 G.
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Nouvelle - Un Air Emeraude


    Les cieux changent et restent pourtant toujours les mêmes. A l’instar des hommes.
    Je n’ai jamais tenté de comprendre pourquoi j’avançais. Et pourtant je ne suis pas un simple d’esprit. En vérité, je crois que jusqu’à ce que je la rencontre, je vivais l’instant présent, sans me soucier du pourquoi ni du comment. Je voulais que rien ne change. Comme je regrette cette époque bénie…
    Mon histoire commence dans un petit village. Je ne connaissais pas mes parents malgré le temps que je passais dans la même demeure qu’eux. Mon père se levait bien avant l’aurore pour préparer le pain et passait sa journée en ville où il accompagnait ma mère pour livrer le fruit de son travail. Lorsqu’ils rentraient, épuisés, ils n’avaient de temps pour moi que pour passer leurs nerfs. J’ai appris à ne pas leur en vouloir. La colère n’est qu’éphémère…
    J’avais peu d’amis. Il est difficile pour quelqu’un de concevoir une solitude comme la mienne. Lorsque je parle d’amis, j’évoque les légendes dont je me nourrissais. Du haut de mes quatorze ans, il était plus facile d’affronter des dragons imaginaires que les réalités de la vie. Je ne demandais rien de plus et n’existait qu’au travers de mes contes. J’adorais les veillées au village où les anciens narraient les histoires que je ne pouvais lire. C’était cela l’époque bénie où rien d’autre ne comptait que les frasques chevaleresques de mon invention.
    Puis un jour, une grande fête fut organisée. Il y avait déjà eu ce genre de réjouissances mais jamais de cette ampleur. Trois bourgades s’étaient rassemblées pour un grand bal. Mon père me traîna hors de ma retraite pour me faire participer aux préparatifs. L’après-midi venait de commencer et je regrettais déjà la fraîcheur de la forêt où je pouvais lire à mon aise. En arrivant, je ne vis que chaos et ennui. Les gens travaillaient dur pour monter les planches de la piste et l’estrade des musiciens. D’autres préparaient des crêpes et apportaient des tonneaux de cidre et de bière. Ma mère se trouvait parmi eux. Quant à mon père, il me confia aux charpentiers qui érigeaient la scène. « Collez une taloche à ce mollasson si besoin ! Ça ne lui f’ra qu’du bien ! » s’écria-t-il. Riants de bon cœur, ils me confièrent la tâche palpitante de clouer quelques planches. Je tentais en vain d’effacer le far de honte qui teintait mes joues. Puis, résigné à passer mon après-midi un marteau à la main, je m’attelais à ma corvée sans grand enthousiasme.
    C’est alors que tout bascula. Les musiciens de mon village étaient une bande de vieillard dont les airs m’enchantaient toujours. Mais ceux des deux autres bourgades ne leur ressemblaient en rien. Une troupe de jeunes gens s’installa non loin de moi. Le bonheur rayonnait de leur visage tandis qu’ils accordaient leurs instruments. Je m’assis dans l’herbe pour poser mon regard sur une fille âgée de quelques années de plus que moi. Ses longs cheveux noirs encadraient ses traits doux et rieurs. Ses yeux verts pétillaient de malice alors qu’elle ajustait les cordes de son violon. Sa vénusté et sa musique m’ensorcelaient, piégeant mon cœur sans que je puisse m’échapper.
    Elle releva la tête et me surprit en train de la dévisager. Elle me fit un sourire et je détournais rapidement le regard pour me plonger dans mon travail. J’entendis les quolibets de ses camarades et sentis le rouge colorer mes pommettes. « Sarah, je crois que tu as tapé dans l’œil de ce vigoureux marteleur à la tête d’épouvantail ! S’exclama l’une d’un air sarcastique en regardant dédaigneusement ma touffe paille et mes vêtements flottant sur mes membres maigres.
-J’espère que tu ne vas pas faire de folie avec lui ma douce. » Déclara un autre en lui volant un baiser. Sarah éclata de rire et fit un clin d’œil à son compagnon. Mon cœur s’arrêta soudain de battre et mes entrailles se nouèrent. Je ne voyais plus que le marteau et n’entendais que mes coups. Je ne distinguais plus l’amertume de l’impuissance. Un seul regard avait suffit pour comprendre qu’elle l’aimait et qu’il avait tout pour cela. Il posa sa cornemuse pour prendre sa belle dans ses bras, ses yeux azur ressortant sous sa tignasse sombre et désordonnée. Je frappais plus fort sur la charpente pour ne plus entendre les filles de mon village, jalousant ma violoniste aux yeux émeraude.
    « Moins fort l’épouvantail ! Je n’entends même plus nos mélodies ! Me lança l’enjôleur en se levant, bombant le torse d’un air menaçant.
-Désolé. » M’excusais-je en posant mon outil. Je n’avais plus rien à faire ici. S’ils devaient jouer sur l’estrade, qu’ils s’écroulent avec elle. Je fuyais leurs rires. Je fuyais leur regard. Je fuyais pour me cacher avec ma honte et retrouver les bras protecteurs de ma solitude. Qu’ils le fassent leur foutu bal, mais ils se passeront de moi.
    Ce ne fut qu’après avoir rejoint la plage de galets que j’arrêtais ma course. J’escaladais un rocher et m’allongeais, laissant échapper des sanglots de honte et de rancœur. Cela avait toujours été ainsi. Pourquoi cela aurait-il changé ce soir ? Je ne nourrissais aucun espoir. Juste la volonté d’être en paix. Mais les dieux aussi avaient décidé de jouer avec moi. Alors autant rester seul.
    Et tandis que mes pensées se dispersaient dans les embruns qu’apportaient les vents marins, je m’adossais à la roche pour admirer le couchant. Des myriades de couleurs bordant le soleil disparaissant à l’horizon.
    « C’est magnifique ! » Lança une voix claire. Effrayé, je me retournais brusquement, cherchant à savoir qui m’avait suivi. Ce fut alors que je la vis. Sarah souriait devant ma stupeur. Ses cheveux flottaient dans le vent, tout comme sa longue robe et ses jupons. Tenant toujours son violon, elle vint s’asseoir à côté de moi. J’étais piégé par son regard émeraude, incapable de la moindre parole. J’émis un son inarticulé pour lui répondre et ma confusion s’accrue lorsqu’elle éclata de rire. Mon visage devint écarlate et je baissais les yeux, passant nerveusement une main dans mes cheveux.
    « Calme-toi ! Je ne suis pas venue pour te manger ! Je suis venue m’excuser pour Gaël. Il semble un peu brusque au premier abord mais il a bon cœur. Il ne voulait pas te blesser.
-Pourquoi il est pas venu lui-même ? Demandais-je en desserrant à grand-peine l’étau qui empoignait ma gorge.
-Je suppose qu’il n’a pas conscience de la portée de ses paroles, répondit-elle évasivement. Je m’appelle Sarah ! reprit-elle avec plus de vie dans la voix.
-Luther. Répondis-je en esquissant un sourire timide.
-Hé bien Luther ! Tu es nettement plus beau lorsque tu souris. » Me dit-elle en détaillant mon visage. Je détournai la tête, gêné mais le cœur battant à un rythme infernal. « Merci. » Marmonnai-je en tordant nerveusement mes doigts.
    Un ange passa. Un instant irréel où je réalisais ce qu’elle venait de me dire. Sa franchise et sa bonté n’avaient d’égale que sa merveilleuse vénusté. Elle leva son violon et son archer pour entonner une complainte d’une mélancolie telle que mon âme vibrait avec les cordes. Et tandis qu’elle jouait, je pouvais à ma guise m’emplir de ses traits, glissant sur son menton pour caresser ses lèvres du regard. Effleurer son petit nez légèrement retroussé et me noyer dans ses yeux verts. Quelques minutes d’éternité s’écoulèrent. La douce musique des vagues accompagnait celle du violon, laissant flotter dans la nuit naissante, cet air d’une mélodie émeraude, reflet de son regard si troublant.
    Lorsque l’archet laissa les cordes tranquilles, je ne pus me détacher d’elle. Le dragon qui bridait mes sentiments était désormais vaincu. Et j’aurais affronté tous les dragons pour éprouver ce qui grondait en moi. Je ne sais ce qu’elle lut au fond de moi mais elle ne bougea pas. Je m’approchais doucement, posant mes lèvres sur les siennes. Des bourrasques de bonheur gonflèrent alors mon cœur qui tambourinait pour annoncer au monde ce baiser.
    Comme dans un rêve, je la vis se détacher de moi, les yeux brillant de confusion. « Je… Je dois partir. » Bredouilla-t-elle en se levant, reprenant le chemin de la fête. Sans un mot, je la laissais s’échapper, fuyant comme je l’avais fait à peine une heure plus tôt. Je repris ma place contre le rocher, flottant sur un nuage au milieu des étoiles. Je crois qu’il est impossible de décrire ce que l’on peut éprouver lors de son premier baiser. Un tel sentiment de plénitude ne peut être volé aux dieux que trop peu au cours de toute une vie. C’était comme si le temps n’existait plus. Je sentais encore la chaleur de sa peau, le goût de ses lèvres et rien d’autre n’avait d’importance.
    Ce furent les cris qui me ramenèrent à la réalité. Je me relevais précipitamment pour rejoindre le village. Mais le bruit de la fête couvrait les hurlements qui montaient de la forêt. Je courus vers les arbres pour découvrir une scène qui me terrifia. Un ours était dressé sur ses pattes arrières, tandis que Sarah était allongée sur le sol, inconsciente. Gaël tenait en respect la bête avec un gourdin. Maigre défense face à un tel animal. Pétrifié par la peur, j’observais impuissant le courageux jeune homme. Soudain, il m’aperçut et me hurla de la ramener. Mais mes jambes refusaient de bouger. L’ours abattit une patte sur le bras de Gaël qui fut jeté à terre. Un semblant de courage rejaillit en moi et je m’emparai d’une grosse pierre que je lançai de toutes mes forces sur la bête. L’ours reçut la roche sur la gueule, la douleur lui arrachant un cri. Je  saisis une autre pierre et chargeai en hurlant, mu par la peur de voir Sarah blessée plus grièvement. Je ne sais par quel miracle, l’animal fut effrayé par ma charge et s’enfuit dans le sous-bois.
    Gaël se releva et courut immédiatement vers son aimée, la prenant dans ses bras et pleurant de joie en sentant la vie battre en elle. Encore sous le choc, je les regardais en silence, réalisant l’amour profond que ressentait le musicien pour la jeune fille. « Ne lui dit pas que j’étais là, murmurais-je d’une voix rauque que je ne me connaissais pas. Je veux ta parole qu’elle n’en saura rien ! »
    Il hocha la tête, plongeant ses yeux dans les miens. Les mots étaient inutiles. Son regard exprimait toute la gratitude qu’il éprouvait. Je lui laissais la gloire. Et je choisissais pour Sarah. Elle ne pouvait aimer qu’un seul d’entre nous et je décidais de me sacrifier. Beaucoup trouveront mon geste stupide. D’autres y verront une forme de courage sans pour autant comprendre mes raisons. Mais pour ma part, je crois que je l’aimais trop pour voir son cœur déchiré.
    Parfois, lorsque je me promène au bord de l’océan, je repense à cette nuit. Je lève les yeux vers les étoiles et me console en sachant Sarah heureuse. De nombreuses fois j’ai regretté ma décision. De nombreuses fois j’ai songé à lui raconter la vérité. Mais depuis cette nuit je ne l’ai revue que dans mon souvenir. Car c’est tout ce que je peux conserver d’elle. Ce baiser dérobé sur un air émeraude…

G.
Pour la genèse de mes facéties de plumes ou d'autres écrits, visitez draumurheim.wordpress.com

mercredi 27 mars 2013

Le Troupeau - Partie 3 - Omnisens


III
Omnisens

    « -Coopérer ? Quest-ce encore que cette sottise ? Lattribut le plus fondamental de la vie est bien la production des petits, par chaque créature vivante, en communion intime avec elle-même. Sinon, quest-ce qui rend la vie digne dêtre vécue ?
-Cette forme-là donne bien la vie, mais lautre forme doit coopérer.
-Comment ?
-J’ai eu beaucoup de difficultés à le déterminer. C’est quelque chose de très intime, et, dans les recherches que j’ai faites parmi les écrits auxquels j’ai eu accès, je ne suis pas parvenu à trouver une description exacte et explicite. »
« L’amour, vous connaissez ? », Isaac Asimov.

1

    Elle se réveilla au crépuscule, la bouche pâteuse. Lascivement, la jeune femme bougea précautionneusement dans son lit. Ses reins douloureux réclamaient le plaisir. Elle brancha les électrodes sur ses tempes et régla l’e-pad. Doucement, les sensations de luxure commencèrent à l’envahir. Catherine avait choisi un programme progressif, pour faire durer l’expérience encore plus longtemps.
    Le plaisir monta jusqu’à ce qu’enfin, son corps se tende sous une cascade de plaisir, inondant son intimité.
    Catherine se leva, refermant sa chambre pour laisser intacts ses draps souillés et les odeurs musquées. Elle prit un soin particulier à s’habiller et à se maquiller. Il fallait de l’étrange et de l’excitant. De l’inconnu et de la chair, à la limite du vulgaire.
    Elle quitta sa maison.
    Le chemin des boîtes de nuit n’était pas long. Elle s’immergea dans la musique assourdissante, se laissant aller contre les corps enfiévrés. Ce ne fut pas long avant qu’hommes et femmes ne se rapprochent, sentant l’appât de la luxure.
    Catherine jeta son profil dans la toile. Il ne fallut pas longtemps avant qu’il ne soit hameçonné. Quatre hommes. L’un était marié, un autre était politicien. Elle élimina le second. Les politiciens ne valaient rien au lit.  Deux femmes. L’une était dans un concubinage à trois. Elle sélectionna ses proies. Ce soir, elle avait envie de brutalité. Elle élimina d’entrée les femmes, leur promettant une autre soirée. En revanche, elle garda les trois hommes.
    La compatibilité était là. Mais il restait à les convaincre de l’orgie. Aussi simple qu’était cette tâche, le faible pourcentage d’échec était tout ce qui restait du caractère excitant de la chasse. Ce frisson, cet instant de doute qui pimentait ses escapades. Elle plaçait à chaque fois la barre de plus en plus haut. La qualité des hommes et des femmes ou l’importance de ses déviances lui donnait l’impression d’être en vie. Sans cela, elle avait sa machine.
    Les hommes, animaux brutaux se laissèrent facilement emporter. Dans l’appartement de l’un d’eux, ils se livrèrent aux pires délices de la chair, faisant rougir de honte les satyres.
    Catherine ne fut satisfaite qu’à l’aube. Elle quitta l’appartement après une douche rapide. Ce matin-là, elle se sentait le besoin de se nettoyer de la passion de sa nuit de luxure. Même si au fond d’elle, elle ne l’admettait pas, elle rentrait chez elle avec le goût du dégoût.
    Lorsqu’elle parvint jusqu’à sa demeure, elle rentra et se fit couler un bon bain. Elle s’immergea complètement pour faire disparaître les dernières traces de sa nuit. Puis, les reins brûlants elle tituba vers son lit et brancha les électrodes sur ses tempes.
   
2

    Catherine resta plusieurs semaines cloîtrée dans son appartement. Lasse de son quotidien, elle cherchait un moyen de pimenter ses mornes journées.
    Lorsqu’elle quitta enfin sa demeure, elle avait trouvé un moyen de rendre la vie à sa vie. Plutôt que d’aller dans les boîtes ou les clubs, elle allait chasser dans les lieux communs, là où l’esprit des uns et des autres était tourné vers autre chose que la recherche d’un partenaire sexuel. Elle avait modifié son profil pour répondre aux attentes des pauvres ères qui n’avaient que le romantisme pour les sauver de leurs piètres performances dans les draps.
    Elle se sentait prédatrice, à l’affut. Sa lassitude s’estompait à mesure qu’elle parcourait les rues commerçantes de la ville. Le shopping « à l’ancienne » était devenu un sport, une distraction, comme le jogging l’était au vingtième siècle. Une chasse au trésor futuriste. Qui l’eut cru ? Mais Catherine n’avait que faire des vêtements. Elle se les achetait sur mesure, comme tout le monde. Les plates-formes numériques avaient cet avantage de pourvoir à tous les besoins quotidiens. Mais pas celui de la chasse. Elle aurait pu mille fois participer à ces jeux en ligne ou aux réalités virtuelles, créées pour développer l’être. Mais elles n’offraient pas le contact physique, cette présence si prenante de l’autre. De par ses appétits sexuels, elle restait l'une des rares à distinguer le réel du numérique.
    Maintenant, elle errait au centre commercial, telle une mante religieuse étrangère à la ruche. Sa première proie était plus que délectable. Sa situation aisée faisait de lui une cible privilégiée pour la plupart des femmes. Une victime moins docile et un jeu plus difficile. « Appréciable » songea-t-elle.
    Brusquement, elle fut poussée vers l'avant. Manquant de tomber, elle s'agrippa à l'étalage. « Excusez-moi ! » lança un jeune homme en l'aidant. « Je ne vous avais pas vue », ajouta-t-il.
    Elle le fixa, interdite. Combien de fois dans une vie pouvait-on entendre cela ? Il posa sa main sur son bras pour l’apaiser mais elle frissonna, se reculant immédiatement, brûlée par le bref contact.
    Une étincelle faisait briller les grands yeux sombres de l’inconnu. La gorge de Catherine devint sèche. Ses entrailles se nouèrent alors que la chair de poule gagnait ses bras.
    « Vous allez bien ? » lui demanda-t-il.
    Complètement déstabilisée, elle secoua la tête, reculant en manquant de renverser une étagère. Lorsqu’elle était enfant, elle avait failli brûler sa maison. Elle se souvint de la colère de son père, elle se souvint de son impuissance, elle se souvint de sa peur. C’était la même peur.
    Tremblante, elle tourna les talons, incapable de parler, se retournant pour fixer l’homme. Ce dernier la regarda d’un air amusé avant de disparaître de sa vue. Sous le choc, elle s’assit sur un banc. Tentant de calmer les spasmes qui l’agitaient.
    Le regard de l’inconnu semblait toujours sur elle, sur sa peau, sous sa peau, jusque dans sa chair. Elle respira profondément, tentant de se calmer. Après tout, elle avait déjà entendu parler de ce genre d’individus. Ils étaient inoffensifs. Elle fit l’inventaire des sites médicaux et, rassurée, elle se leva pour rentrer chez elle.
    Durant le trajet, Catherine s’immergea dans un flot de données numériques. Se submerger de pensées était la seule manière de ne pas penser. Seulement, ce n’était pas si simple. Son esprit saturé trouva une échappatoire : ce jeune homme qu’elle essayait d’éviter. « Qui était-il ? » Elle secoua la tête tentant de se concentrer sur un blog de cuisine. « Qu’est ce qui avait pu le rendre ainsi ? ». Catherine pressa le pas, les larmes aux yeux. Elle voulait l’oublier.
    Les passants se retournaient sur elle alors qu’elle assaillait la toile de ses pensées. Elle se rendit sur un forum qui aidait les personnes dans sa situation. Mais elle y trouva des avis haineux, des conseils mielleux, rien qui ne puisse l’aider à supprimer de sa tête l’importun.
    Aucun de ceux qui l’entouraient, physiquement ou numériquement, ne pouvait quelque chose pour elle. Il fallait qu’elle rentre.
    Après une course qui sembla durer une éternité, elle parvint enfin chez elle.
    La porte s’ouvrit immédiatement sur son ordre silencieux. Elle s’empara fébrilement des électrodes qu’elle brancha immédiatement. Le plaisir la submergea brutalement et les frontières du monde s’effondrèrent. L’image de l’inconnu se fondit dans la luxure. La sensation se dissipa trop rapidement. Et elle recommença. Elle recommença fébrilement jusqu’à convulser.
    Lorsqu’elle s’endormit enfin d’épuisement, elle l’oublia enfin. Elle oublia qu’elle n’avait pu l’atteindre sur la toile. Elle oublia qu'il n'avait aucune présence sur le réseau. Elle oublia qu’il n’existait pas. 
   
3

    La jeune femme jeta l’e-pad sur le mur. Elle regretta immédiatement son geste. Mais l’appareil ne lui servait plus à rien. Plus de refuge dans le plaisir. Catherine envoya une image mentale de l’inconnu sur la toile.
    C’était idiot. Comment quelqu’un qui n’était pas connecté pouvait-il avoir une trace sur les réseaux numériques ?
    Lorsqu’elle comprit qu’elle n’avait aucun moyen de le retrouver, un sentiment de frustration et de regret s’empara d’elle. Encore une fois, elle se tourna vers l’e-pad pour s’évader. L’appareil ne lui renvoyait que les images objets de son désir… l’inconnu. Elle ne se sentait nullement soulagée, bien au contraire. Dans les torpeurs post-orgasmiques, elle se sentait horriblement seule et pathétique.
    C’était bien plus qu’un désir physique.
    Ismaïl, pensa Catherine.
    Elle rejoignit son ami à Circle, un café du centre. Le genre d’enseigne aussi clinquante qu’aseptisée, prônant les vertus des produits de synthèse. La disparition du pétrole avait entraîné un boom économique notable. Les plus grands groupes économiques, comprenant les anciennes compagnies pétrolières, avaient riposté presqu’immédiatement avec des produits de développement durable. Les politiques mirent quelques années à s’adapter à la nouvelle donne. Ils furent forcés de réagir pour garder un semblant d’équilibre entre la consommation et les ressources disponibles. L’élevage et le soja avaient presque disparus. Les déchets, tant organiques que minéraux, étaient recyclés pour subvenir aux besoins alimentaires de tous. De plus, la stabilisation de la population avait entrainé la quantification exacte des besoins de production. Un nouvel ordre avait émergé dans lequel chacun était sensé avoir sa place.
    Circle fabriquait ses produits à partir du recyclage des organiques en y ajoutant des protéines de synthèse. Catherine commanda un thé arc-en-ciel, fabriqué à partir de feuilles de serre compactées et mêlées d’épice pour accentuer le goût.
    Ismaïl arriva et commanda un édulcola, le dernier soda à la mode.
    « Alors ma petite Catherine ! Que me racontes-tu de beau ? » demanda le jeune homme avec un sourire charmeur. Elle avait rencontré Ismaïl à la suite d’une étude de compatibilité. La faiblesse de leur entente sexuelle s’opposait au nombre incroyable de leurs centres d’intérêt communs. Ils sortaient régulièrement ensembles, se penchaient sur la gastronomie de synthèse, créant ou usant à merveille des produits. Ils se réunissaient sur les mêmes forums politiques et de voyage.
    Catherine s’égara d’abord à conter ses dernières expériences. Ismaïl ne fut pas dupe. Après tout, il travaillait au centre de psychologie comportementale du gouvernement. Il faisait partie de ceux qui définissaient les orientations de production en analysant les profils de la population.  
    La jeune femme raconta alors sa rencontre.
    « Hum… commença Ismaïl. On finit tous un jour par croiser un original comme ça. Ce sont des extrémistes qui choisissent de se marginaliser pour se donner l’impression d’exister. Ils ne supportent pas la conscience collective car ils n’arrivent pas à affirmer leur individualité.
-Oui, je sais, j’ai vu les forums. C’est assez explicite et je ne fais pas grand cas de ce genre d’individu. Ils sont semblables à ces sauvages qui retournent s’user la santé à vivre à la campagne en se coupant du monde. Le gouvernement les tolèrent car ils n’usent même pas d’e-viral et se renouvellent naturellement. Mais passons. Ce qui m’inquiète, c’est mon obsession pour cet homme.
-Ce n’est pas réellement un problème. Tu aimes le risque. Or, depuis la convention de Londres de 2214, la législation des Etats tend vers la suppression de cette notion. Les lois numériques et le profil des individus ont permis d’effacer largement les notions d’aléa. Le comportement de chacun est aisément prédictible. Cependant, certains refusent la routine. Dès lors, nous avons accentué les offres sportives et de voyage. La découverte physique de nouveaux réseaux ou la dangerosité d’une activité procurent l’adrénaline nécessaire à ceux qui la recherchent. Quant aux personnes qui ne sont pas encore satisfaites, on leur prescrit des doses hormonales pour supprimer cette addiction ou au contraire, des doses d’adrénaline pour leur procurer la sensation recherchée en toute tranquillité. »
    Catherine hocha la tête. Elle chercha et trouva en quelques secondes les informations complétant l’analyse d’Ismaïl.  
    « Je ne pense pas que cela s’applique à moi. J’ai toujours trouvé l’adrénaline nécessaire lors de mes parties de chasse.
-Je suis d’accord, coupa son ami. Cependant, c’est un nouveau gibier pour toi, un nouveau stade dans ton addiction. Comment peut-il en être autrement ? Tu n’as pas pu comparer vos profils, tu ne lui as même pas parlé. »
    Elle n’avait aucun argument à opposer à cela.
    « Peux-tu me prescrire quelque chose ?
-Bien sûr ! Une faible dose pour commencer. Je pense que cela te passera. »
    Rassurée, elle discuta plus librement.
    Catherine abandonna son ami. Elle passa au centre de soins pour récupérer sa prescription. La substance se répandit rapidement en elle. Bientôt, portée par une nouvelle ivresse, elle gambada dans la rue jusqu’à chez elle. Ismaïl avait mille fois raison. L’inconnu était sorti de sa tête.
Mais à quelques rues de son appartement, elle le croisa.
Elle inspira profondément, remuée par cette nouvelle rencontre.
Alors que Catherine rassemblait ses esprits, elle reçut un message. « freedream@resnullius.int ». Malgré cette adresse incongrue, elle ouvrit l’email par réflexe.
« 10, rue des Songes dans l’Outreville. Là-bas les illusions s’envoleront car la quête n’est pas éternelle. Quelle onde seras-tu dans les courants ? Catherine, ressentir sans s’avilir conduit à s’anoblir. Pas de jugement, seulement tes actes pour réaliser tes choix. Échappe-toi du carcan de la liberté. Tu souffriras, tu haïras mais tu vivras. Et lorsqu’on te demandera si tu es heureuse, tu n’hésiteras pas. »
Un I majuscule ornait les énigmatiques paroles.
La jeune femme serra les dents, la rage bouillonnant dans ses veines. Pour qui se prenait-il ? Il lui envoyait son adresse en voulant lui faire la morale ? Il y a bien longtemps que la dissociation des relations sociales avait assaini la société. Ça, associé au partage et à l’effacement progressif de la notion de propriété archaïque… Le BIB, Bonheur Intérieur Brut avait été boosté dans tous les Etats, au sein de toutes les communautés.
Elle allait se rendre chez ce salaud et lui montrer qu’il avait tort. Marchant avec rage, Catherine se dirigea vers Outreville.

4

    Outreville... La ville sans âme. Seule sa résolution l’empêcha de rebrousser chemin.
    Autour d’elle, les gens marchaient, absent des réseaux. Ils n’avaient aucune présence numérique, juste un fantôme d’existence physique. Elle ne les comprenait pas. Aussi, elle les craignait.
    Ils n’avaient pas le teint des gens qui prenaient de l’e-viral. Certains avaient même des rides et des cheveux blancs naturels… Leur laideur choqua Catherine.
    Frissonnant, elle arriva enfin à la maison de l’inconnu. Elle hésita une fraction de seconde avant de sonner. Elle se sentait idiote. Mais en elle résonnaient encore les mots du courriel et la rage était toujours présente.
   La porte s’ouvrit soudain, laissant apparaitre le jeune homme. Ses yeux s’écarquillèrent de surprise en voyant Catherine.
    Elle n’avait plus pour elle l’assaut de ses atouts numériques. Elle n’avait plus que son attractivité naturelle. Elle commença maladroitement à minauder. L’autre passa de la surprise à l’amusement et éclata de rire. Il coupa Catherine qui arborait une moue vexée.
    « Je suis désolé mais votre… ‘approche’ est à revoir. J’ai deux chattes qui agissent comme vous à chaque saison des amours…. Et malheureusement, je ne suis pas amoureux de vous.
-Comment pouvez-vous le savoir ? Vous ne me connaissez même pas !
-L’amour a maintes définitions ayant entraîné maintes théories à son encontre. Le coup de foudre, les intérêts communs, la complicité, … J’en ai conclu qu’il s’agit juste d’un sentiment éprouvé ou non. A faire naître ou pas. La noblesse, le romantisme sont autant de catalyseurs. Mais en aucun cas les auteurs.
Catherine ouvrit la bouche de surprise. Elle n’avait jamais été repoussée de la sorte.
-Mademoiselle… S’il vous plaît, rentrez chez vous. Votre vulgarité et votre addiction aux réseaux ne m’intéressent pas plus que votre compagnie, » conclut-il avec fermeté en rentrant chez lui.
    Abattue la jeune femme resta devant l’huis clos. Elle sentit peu à peu toute force la quitter.
    Toutes ses certitudes, cette construction logique dans laquelle elle avait grandi… Tout cela n’avait plus aucun sens. Il n’avait jamais écrit ce message. Ressentir sans s’avilir… Ce n’était pas une question de compatibilité, de séduction ni même de luxure. C’était une question d’amour. Une danse naturelle qui avait des millions de schémas sans aucune logique. Pas besoin d’expériences sexuelles grandioses pour ressentir. Nul besoin de chasse…
    Ses actes pour réaliser ses choix… Il l’avait comparée à un animal en chaleur… Certes, l’homme a des besoins et ces besoins ont été consacrés et acceptés dans un ordre nouveau grâce aux extensions de liberté. Mais elle se sentait soudain comme tel. Le jugement ne venait pas de lui. Il venait d’elle.
    « Foutaises, cracha-t-elle entre ses dents, réprimant difficilement ses larmes. Foutaises… La liberté ne prend son sens que si des limites existent… »
    Elle rentra chez elle, titubant à la manière d’une ivrogne. Elle pleura, indifférente au monde, indifférente au réseau. En une soirée, il avait réussi à la briser. Elle souffrait, horriblement. Sans rien faire, il avait le pouvoir sur elle et elle le haïssait pour cela…
    Dans sa misère, elle ruminait les plus sombres songes. Toutes ces vies qu’elle croisait n’étaient que mensonges. Un flot de comportements étudiés, rationalisés pour optimiser les rencontres, le temps, les relations et éviter le moindre désagrément, a fortiori la douleur. Le libre-arbitre y était si peu présent… Et le temps… le temps… L’immortalité était là et pourtant les hommes cherchaient à rentabiliser le temps lui-même.
    Toute la charge émotionnelle refoulée qu’elle avait emmagasinée se libéra brutalement. Elle sanglota violemment, peinant à reprendre sa respiration. Sa crise l’isola des réseaux.  
    Lorsqu’elle eut épuisé toutes les larmes de son corps, elle tomba sur l’herbe d’une pelouse. Le vent sur sa peau la fit frissonner. Ses membres et organes perclus de la douleur de siècles de vie lui semblaient horriblement las. Elle caressa son bras nu avec l’étrange impression d’être enfin totalement nue. Elle écouta des passants passer non loin de là. Pas de profil parasite. Elle entendait le son de leur voix, elle voyait l’expression de leur visage. Toutes les imperfections, les tics qui faisaient la beauté de chaque être.
    Alors elle réalisa soudain que toutes ses années, ses sens avaient été bridés. Elle ressentait par anticipation sans nulle surprise. Elle avait été privée du fondement, du moteur de toute existence, le rêve. La société ne laissait plus de place à l’imaginaire. Les mêmes concepts, les mêmes idées avaient été réutilisées, cataloguées, tout ça pour créer de la valeur.
    L’électrochoc de ce soir lui avait ouvert les yeux. Elle se releva en tremblant, savourant sa renaissance. De nouvelles larmes mouillaient son regard. Des larmes de joie. Ça
    « Ça va mademoiselle ? » demanda un quidam.
    Catherine écouta le timbre des mots qui résonna telle une mélodie en elle. Le regard de l’homme était aveugle, perdu dans les réseaux. Son visage inexpressif respirait une addiction profonde. Elle pouvait percevoir l’individualité de ses semblables. Les particularités qui faisaient de chacun un être unique.
    « Je vais très bien, répondit-elle avec sérénité.
-Pourtant vous ne semblez pas heureuse », répliqua l’autre en s’éloignant.
    Son cœur battait à la chamade. Elle émergeait d’une torpeur de plusieurs siècles. Elle redécouvrait le monde, apprenant à aimer. Alors oui, elle était heureuse… et bien plus que ça, elle était libre. 


                                                                                                G.

(publié également sur http://draumurheim.wordpress.com/)

Citation - Liberté

"Sans le concept de limites, la liberté n'existe pas"
"Without the concept of limits, freedom doesn't exist"

mardi 26 mars 2013

Cuisine - Recette de Sauce à l'Echalote


Bien le bonsoir !

 Frustré de ne pouvoir apprécier ce mets qu’en restaurant ou en brasserie, j’ai réussi, après moult et moult essais, à réaliser… la sauce à l’échalote. Alors bien sûr, elle accompagne les viandes rouges. Tout autre usage tiendrait du blasphème !

Ingrédients :
-une grosse échalote (ou deux petites) par pièce de viande
-un tiers de verre de fond de veau
-un trait de vinaigre balsamique
-du sucre en poudre
-un trait de vin rouge
-sel et poivre

Cuire la pièce de viande en laissant une minute de marge pour permettre de réchauffer la viande ensuite.

Ciseler l’échalote. Laisser l’imagination travailler. Il faut que les morceaux soient personnalisés, ça ajoute du chien à votre sauce.

Retirer la viande de la poêle et y mettre une noix de beurre avec l’échalote.

L’échalote ne doit pas brûler. Pour l’éviter, mouiller avec le fond de veau.

Ajouter un trait de vinaigre, un trait de vin.

Mélanger et saupoudrer de sucre en poudre. Mettre l’équivalent d’une cuillère à café environ.

Laisser réduire. La sauce doit devenir visqueuse (appétissant non ?)

Sur la fin, remettre la viande dans la poêle. Saler, poivrer.

Bon appétit !

Et bien sûr, que la force soit avec vous !
Obi Wan Food Throwing
 G.

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mercredi 20 mars 2013

Cuisine - Recette de Quiche au Potiron


Amis des bizarreries, bonjour !

ATTENTION : Si vous n’aimez pas X-Files, je vous invite à regarder une autre de mes recettes.
Je me penche sur une recette incongrue improvisée au goût étrange mais non moins intéressant. Je vous avertis, ce sera un tantinet particulier. Il faut m’imaginer, moi, le narrateur, dans la peau de l’agent Mulder. Vous pouvez aussi en faire un jeu de rôle et faire vous-même l’agent Mulder tandis qu'une éventuelle partenaire jouera l’agent Scully. Je décline toute responsabilité quant à l’issue d’une telle réalisation.
Mulder Conserve Can
« Regarde Scully, une boîte de conserve…
-Oui Mulder, je vois ça… Mais où veux-tu en venir ?
-Notre suspect ne cuisine pas.
-Parce que toi tu cuisines ?
-Oui, avant d’entrer au FBI, je faisais partie de la CIA, Cuisine Indépendante des Amériques. Tu ne me crois pas ? Je peux te montrer si tu veux ! »
 MULDER PROUD CIA
Bon d’abord les ingrédients :
-Une pâte brisée
-Un morceau d’environ 200g de potiron
Tout autre légume de la couleur des cheveux de l’agent Scully convient très bien. Les carottes par exemple.
-Trois œufs
-15 dl de lait
-Deux cuillères à soupe de crème fraîche épaisse
-Poivre
-De la coriandre
-Sauce Soja
-Un peu de fromage
Pour les véget’,
-100g de tofu
-50g de noix de cajou
Pour les viandards,
-150g de poulet ou de dinde
Cuire le potiron à l’étouffée. Il doit être bien ramolli.
Pendant ce temps, brancher de la bonne musique.
S’atteler également à découper le tofu en petits dés, écraser les noix de cajou en petits morceaux (pas en poudre ! en petits morceaux !) OU découper le poulet en fines tranches.
Faire revenir votre choix dans du beurre dans une poêle en saupoudrant de coriandre.
Après coloration, mouiller d’un trait de sauce soja. De la vapeur va jaillir ! (Rendant Scully dubitative).
Profiter de cet évènement pour montrer une apparente expertise par une décontraction insolente :
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Préchauffer le four à 220°. (Thermostat 7)
Préparer l’appareil à quiche.
Expliquer inutilement à Scully que l’appareil à quiche est le mélange des œufs, du lait et de la crème, formant une base pour toutes les quiches. Enfoncer le clou en évoquant une éventuelle origine extraterrestre. Enfin, atteindre le summum de l’exaspération de votre partenaire en arborant une moue agaçante empêchant toute remise en question de vos théories.
Beurrer un plat (ou le tapisser d’une feuille de papier sulfurisé)
Y étaler la pâte et faire des trous avec une fourchette.
Verser l’appareil, le potiron, le fromage et le poulet ou le tofu et les noix de cajou.
Mettre ensuite à cuire au four entre 30 et 45 minutes.
Boire une bière ...
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... ou se déhancher sur la bonne musique dont il était question précédemment.
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Vérifier régulièrement à partir 30 minutes que la quiche est prête. Le dessus doit être doré (presque brun). Et l’intérieur doit être solide.
S’il y a du jus, c’est normal.
Faire goûter à Scully.
 
Si elle aime, prendre un air du genre « c’est la classe » et jubiler.
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En tout cas, bon ap’ !  Et … que la force soit avec vous !
 Obi Wan Food Throwing
G.
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dimanche 17 mars 2013

Cuisine - Rôti de Porc Lardé à la Moutarde


Chers lecteurs,

 Aujourd’hui, et comme je le ferai souvent, je vais faire honneur aux viandards ! Alors, cochon qui s’en dédit, au menu, du rôti et du lard !

 spidercochon

Ingrédients :
-Un rôti de porc (l’idéal est un filet mignon, mais c’est beaucoup plus coûteux. Avec le rôti, faites-vous plaisir à moindre prix – OK, je repasserai pour les slogans)
-Des tranches de lard (il en faut assez pour entourer l’ensemble du rôti)
-De la moutarde de Dijon
-Un oignon
-Un fond de veau
-Du beurre

 Enlever le gras visible autour du rôti.

 Tartiner la bête de moutarde.

 L’envelopper de tranches de lard. Il faut que les tranches tiennent bien en place. Ne pas hésiter à ajouter un peu de moutarde s’il le faut.

 Préchauffer le four à 200 degrés (thermostat 6).

 Beurrer un plat. Y mettre l’oignon découpé en rondelles ainsi que le fond de veau. Il s’agit ici d’éviter de poser le rôti à même le plat et d’avoir ensuite un peu de jus. Donc il faut environ un centimètre de liquide.

 Déposer ensuite le rôti lardé dans le plat.

 Passer au four, environ une heure à 220°, thermostat 7. 30 minutes pour un filet mignon.
En général, je cuisine d’instinct. Ici, la cuisson variera. Si vous avez choisi un rôti, il cuira plus longtemps qu’un filet mignon. Tout dépend de la taille du morceau. Je vous conseille donc de tailler dans la viande pour vérifier sa cuisson. Elle ne doit en aucun cas être rosée.

 Il faut surveiller que le lard ne se dessèche pas. Arrosez-le de sauce au fur et à mesure de la cuisson ou retourner le rôti à mi-cuisson.

 En plus des indications erratiques de cuisson, pas de photos pour le moment !

 En tout cas, bon ap’ !  Et… que la force soit avec vous !
 Obi Wan Food Throwing
G.
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Nouvelle - Regard


     Le vent vif laissa peu à peu place à un doux mistral caressant sa peau. Elle rejeta ses longs cheveux bouclés en arrière et son odeur se mêla à celle du thym et de la lavande qui flottait dans l’air. Un gloussement moqueur perça le chant des grillons et le bruissement des feuilles. Elle se retourna, sentant son visage s’empourprer : « Qu’y a-t-il ? Demanda-t-elle brusquement.
-Rien du tout… J’aime seulement la façon sensuelle que tu as de mouvoir ta chevelure, répliqua la voix de Luther qui tentait de masquer son hilarité par son ton pompeux.
-Je te conseille de l’aimer en silence si tu ne veux pas que… » Commença Naya interrompue par une racine sur laquelle elle trébucha. Immédiatement les rires cessèrent et Luther se précipita auprès d’elle bien qu’elle n’ait pas chuté. Elle dégagea son bras qu’avait pris son ami puis releva la tête d’un air digne avant de continuer son chemin : « Je peux très bien marcher toute seule. » Déclara-t-elle froidement. Et souriant d’un air malicieux pour dissiper le malaise, elle s’élança sur le sentier, prenant la tête du petit groupe.
    Peu à peu la chaleur du soleil déclinant laissa place à la fraîcheur des arbres. Elle retira ses sandales pour poser ses pieds nus dans la bruyère. Elle s’y allongea avec délice en attendant les autres. La jeune fille était sûre qu’ils n’allaient pas lui en vouloir. Mais ce coup de gueule avait été nécessaire. Elle en avait assez de la sollicitude de Luther. Après tout, Naya était la seule à qui il portait autant d’égards et cela devenait agaçant.
    La douceur du soir naissant la berça et elle s’assoupit. La Provence était si agréable… Il ne manquait que le ressac au chant des grillons pour que la mélodie soit parfaite. Elle fut tirée de ses songes par la fraîcheur de la main de Margot. « A table grosse marmotte ! » Lança-t-elle d’un ton neutre. Si Luther montrait sans cesse chacune de ses humeurs avec exubérance, Margot était son contraire. Elle ne laissait jamais rien transparaître. Il fallait la connaître pour l’apprécier et son contact était des plus agréables une fois sa confiance acquise.
    Céline était la dernière personne présente. Son charme brutal laissait peu de personnes indifférentes et c’est ce qui la rendait si particulière. Elle pouvait obtenir n’importe quoi de n’importe qui, réagissant souvent telle une princesse capricieuse. Cet aspect hautain et méprisant de sa personnalité s’effaçait toujours avec l’un de ses rires au timbre enchanteur.
    « Ce soir, c’est Céline qui a cuisiné sous mes directives, annonça Luther d’un ton enjoué.
-Donc si vous n’aimez pas, c’est à ce monsieur qu’il faudra vous en prendre », plaisanta l’intéressée.
    La voix confuse du garçon se mêla à celle des autres. Il ne bredouillait pas souvent comme ça et Naya était sûre qu’il aimait Céline. Seulement, elle était l’une des rares personnes à réussir à l’intimider et à brider ses humeurs. Sa maladresse habituelle, qui d’ordinaire charmait les filles, ne réussissait qu’à s’amplifier et à le faire passer pour un benêt. Mais Céline avait l’air d’apprécier et ne se privait pas de le mener par le bout du nez. Au bout de deux années, Luther ne s’était jamais plaint, préférant tenter de passer à autre chose. Seulement au bout du compte, il finissait toujours seul à soupirer pour sa belle.
    Une agréable odeur de tomate, de lard et d’oignon flottait dans les airs. Les aromates parfumaient tellement bien la tambouille que l’on pouvait aisément distinguer le thym et le romain qui accompagnait le plat.
    « Alors ! Quel est le menu ? Demanda Naya dont l’estomac s’impatientait.
-Melon d’Espagne sur son lit de jambon de Bayonne… commença Luther
-…Suivi de spaghettis à la bolognaise, coupa Céline.
-Si tout le monde est d’accord pour sauter le bénédicité, je propose que nos chers cuistots apportent leurs œuvres », déclara malicieusement Margot.
    Les plats rencontrèrent rapidement le bois de la table et Naya eut droit à une copieuse part des entrées. Le melon était mûr à point mais en revanche le jambon manquait de saveur. Il ressemblait à ceux que l’on pouvait se procurer sous vide dans n’importe quel supermarché. C’était une honte d’être en Provence et de manger une telle horreur songea-t-elle en souriant. Elle lança le débat et rapidement les plaisanteries fusèrent. Luther étant le cuisinier, c’était lui qui avait choisi les denrées et il ramena rapidement la conversation sur le melon. Cependant, sur l’initiative de Margot, tous décidèrent de se rendre au marché dès le lendemain matin.
    L’odeur de la tomate se fit plus forte lorsque les couvercles furent ôtés des plats. Les spaghettis étaient parfaits et tous se régalèrent. D’ailleurs on n’entendait plus que le bruit des couverts qui s’entrechoquaient. A mesure qu’elle mangeait, Naya fut rapidement envahie d’un sentiment de plénitude qu’elle n’avait que peu de fois éprouvé dans sa vie. Elle était entourée d’amis, le ventre plein et dans un endroit paradisiaque. Que demander de plus ?
    Elle laissa ses pensées voguer, préférant s’en remettre à l’instant présent pour éviter de le souiller de ses habituelles humeurs noires. Elle avait la fâcheuse habitude de se souvenir de ce qui pouvait tout gâcher. Après les vacances, le travail revenait. Après un repas, la faim revenait… Tout était inéluctable et souvent elle se demandait à quoi bon ?
    « Un sous pour tes pensées », lança joyeusement Céline. Naya sursauta puis sourit : « Il vaut mieux que je garde tout ça pour moi.
-Non ! Dis-nous !
-Je me disais que tout cela était très beau mais que dans quelques jours, nous retrouverons nos vies d’avant », avoua-t-elle en soupirant.
    Luther ricana. Margot eut un reniflement qui ressemblait vaguement à du dédain. Quant à Céline, elle resta silencieuse. « Ma pauvre ! On s’en fiche ! On recommencera ! S’exclama le garçon avec fougue.
-Oui mais ce n’est qu’éphémère. Comme si on dérobait ces instants en sachant que ça ne durera pas.
-C’est que qui en fait la beauté. Il faut les mériter. S’ils étaient donnés à tous, la vie ne serait qu’un long ennui, avança Margot.
-Peut-être…
-Il n’y a pas de peut-être, profite de ce que tu as et arrêtes de te plaindre ! » s’exclama Céline qui provoqua l’hilarité des deux autres.
    Naya eut un faible sourire : « Tu dois avoir raison…
-Bien parlé ! Nous devons noyer ta mélancolie ! S’enflamma Luther.
-Hum… Si je suis ton idée nous devons la faire boire ? Proposa Margot tandis que les autres éclataient de rire.
-Non, je pensais plutôt à cette fête sensée durer jusqu’à l’aube. »
    Tous approuvèrent et ils se préparèrent joyeusement à la nuit qui les attendait. Naya fit même un effort et enfila une robe. Céline l’aida à attacher les lacets du corset tandis que Naya tentait d’ajouter quelques tresses à sa crinière bouclée. Elle aimait le contact des nattes mais elle n’en faisait pas souvent. Elle n’avait pas la patience de les recommencer régulièrement.
    Enfin, ils se tassèrent dans la Clio de Margot et prirent la route vers le bord de l’océan. Ils chantèrent à tue-tête sur un cd des Red Hot qui tournait en boucle depuis le début des vacances. Ils avaient même réussi à accorder leur voix pour donner un résultat des plus surprenants.
    A leur arrivée, le grondement de la foule surprit Naya. Elle n’avait que trop peu entendu autant de monde. Mais cela la réconfortait. Elle aimait se fondre dans la masse et disparaître. N’être qu’une goutte d’eau dans un lac. Elle retira ses sandales pour sentir le sable glisser entre ses doigts de pied. Elle se laissa porter par la musique et la chaleur des gens qui l’entouraient. Plus rien n’avait d’importance. Le monde se résumait à ce qu’elle ressentait tandis qu’elle dansait.
    « Tu n’as pas l’air d’ici, glissa soudain quelqu’un dans son oreille.
-Et toi tu m’as l’air observateur, railla-t-elle.
-Pas tant que ça, c’est juste que je cherchais un prétexte pour engager un semblant de conversation », répliqua le garçon avec une pointe d’amusement.
    « Tu as besoin d’aide ? », chuchota Luther. Elle se tourna vers lui tandis qu’elle sentait ses joues s’enflammer. La colère grondait en elle tel un brasier infernal. « Non je n’ai pas besoin d’aide ! J’en ai assez que tu me traites comme une gamine alors danse et fous moi la paix ! » cracha-t-elle avec colère.
    L’inconnu lui prit la main et l’emmena à l’écart. Il semblait si différent des autres. Il la fit monter sur quelques rochers où ils s’installèrent. Il était différent des autres garçons. Il n’avait pas cette prévenance maladive qu’ils s’escrimaient tous à déployer. Il ne lui parla pas de l’incident avec Luther. Il ne lui posa aucune question. Il ne parla même pas de lui. Il évoqua juste la mer, parlant d’elle avec passion. Il la fit voyager sur des voiliers ou à dos de dauphin. Il lui décrivit des plages de sable blanc et des rivages de glace où glissaient les manchots. C’était étrange de pouvoir converser avec une telle personne. Il était à la fois dans son monde et en même temps si ancré à la réalité…
    Le temps s’écoula lentement mais à la fois si rapidement… Elle aurait voulu que la soirée ne se termine pas. Elle était si bien à ses côtés.
    « Je n’ai jamais vu un lever de soleil aussi magnifique. Regarde comme les cieux s’embrasent… »
    Naya eut un hoquet de surprise. Elle se tourna vers le garçon tandis qu’une larme lui échappa. Il en profita pour poser sa main sur sa joue. Elle était si douce et si fraîche. Elle sentit soudain ses lèvres se poser sur les siennes tandis que l’inconnu lui volait un baiser.
    Son cœur battait à la chamade et elle était incapable de réfléchir. Elle était bouleversée par ses paroles. Elle se laissa raccompagner, trop retournée pour parler. Il l’embrassa une dernière fois et lui laissa un papier dans la main : « Appelle-moi » Dit-il simplement avant de partir.
    Naya resta silencieuse durant tout le trajet du retour, faisant semblant de dormir pour que les autres la laissent en paix. Ils se couchèrent et ne se levèrent que dans l’après-midi. Naya s’installa sur la bruyère à l’extérieur et Luther la rejoignit : « Tu m’en veux toujours ?
-Non !… Non pas du tout, je suis désolé pour hier soir…
-Y’a pas de mal ! Je sais que tu es très fière mais parfois j’ai peur pour toi… Alors ?
-C’était merveilleux… Simplement… Je ne sais pas comment l’expliquer. Il n’a pas la pitié que les autres ont pour moi.
-Que s’est-il passé ?
-Il m’a emmené sur les rochers, il me parlait de la mer et il m’a montré le lever de soleil, expliqua-t-elle.
-Quel goujat ! se moqua son ami.
-Arrête idiot ! Répliqua Naya avec un rire amer. Il m’a demandé de regarder le lever de soleil, ajouta-t-elle en insistant sur le mot « regarder ».
-Nan ! S’exclama Luther.
-Si, je crois qu’il s’intéresse à moi pour ce que je suis et non pour tenter de me secourir ou de m’aider, confia Naya.
-C’est vraiment fort ! J’en reviens pas qu’il ne l’ait pas remarqué… »
    La jeune fille frotta ses prunelles aliénées. Elle aurait tant voulu voir ce soleil rouge… Mais comment faire lorsque l’on est aveugle ?

G.

(Publié également sur draumurheim.wordpress.com)